Françoise Le Veziel
Associé avocat - Oratio Avocats
L’intégration de l’intelligence artificielle dans les organisations constitue désormais un enjeu de gouvernance. Elle modifie les processus, redistribue certaines responsabilités et expose l’entreprise à des risques nouveaux : juridiques, sociaux et environnementaux.
Dans un contexte où les usages se diffusent plus vite que les cadres de maîtrise, la priorité n’est plus l’adoption technique, mais la structuration du dispositif de gestion des risques.
L’article L.2312-8 du Code du travail impose une consultation préalable du CSE en cas d’« introduction de nouvelles technologies » ainsi que pour tout « aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ». En ce qu’elle modifie les pratiques au sein des organisations, l’introduction de l’IA tout comme sa généralisation supposent donc de consulter le CSE préalablement à leur mise en œuvre effective.
Les décisions jurisprudentielles récentes ont confirmé que l’absence de consultation peut conduire à la suspension du projet, y compris en phase pilote.
La doctrine invite à une approche rigoureuse :
💡 À noter
Depuis la loi du 22 août 2021 portant « lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », il est précisé que « le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales de ces mesures ».
Par ailleurs, en vertu de l’article L.2315-94 du Code du travail, le CSE peut recourir à une expertise. Cette possibilité doit être anticipée par l’employeur dans une logique de transparence et de sécurité juridique.
La diffusion de l’IA crée un déplacement structurel des compétences. Les annonces d’Accenture – plus de 11 000 suppressions de postes, concernant principalement des professions tertiaires – ont mis en lumière cette asymétrie.
Ces signaux alimentent l’inquiétude des collaborateurs quant à la pérennité de certaines fonctions et à la rapidité du changement. Un rapport interne d’Accenture montre par ailleurs que, si la majorité perçoit le potentiel de l’IA, près de 60 % anticipent un impact négatif sur leur emploi.
L’entreprise doit donc adopter une approche volontaire : pédagogie, montée en compétences, clarté sur les usages et explicitation des bénéfices, faute de quoi l’IA devient un facteur de défiance.
L’IA générative est énergivore et sa consommation croît exponentiellement avec la complexité des modèles. Les travaux du MIT Technology Review montrent qu’une simple requête peut consommer plusieurs fois l’énergie d’une recherche web classique.
Par ailleurs, les data centers représentent aujourd’hui près de 3 % des émissions mondiales, soit un niveau comparable à celui du transport aérien.
Pour une organisation engagée dans une trajectoire climat, l’IA nécessite un pilotage précis : évaluation des impacts, choix de modèles sobres, arbitrages entre performance et empreinte énergétique. L’enjeu n’est plus technologique : il est systémique.
Le déploiement de l’IA entraîne trois exigences majeures :
Les entreprises qui réussissent ces trois équations transforment l’IA en levier stratégique — et non en source de risque.
Le dispositif « Osez l’IA » de Bpifrance apporte un soutien aux organisations souhaitant structurer un déploiement maîtrisé et responsable.
Nos équipes restent disponibles pour approfondir ces sujets et accompagner vos démarches.