Bonjour à tous,
En cette période de solidarité nationale et internationale, ce numéro propose une réflexion sur l’emploi dans l’ESS à travers un article de fond d’Emmanuel VIDAL et Sarah BERTAIL - référents du secteur insertion - sur la réforme de l’Insertion par l’Activité Économique (IAE) qui se traduit par une simplification des procédures et un élargissement des prescripteurs.
Le chiffre du mois, que Sarah BERTAIL soumet à notre attention en étayant son analyse sur une étude, porte sur le genre et la qualité du bénévolat en France.
Enfin, notre rubrique « Regards croisés » invite Martine HUNEAU, Responsable audit interne du GRET, à nous livrer son retour d’expérience sur l’accompagnement par Chakib HAFIANI et Réda MEKOUAR du pôle Coopération internationale et ONG de Baker Tilly, dans son parcours de conclusion du contrat cadre de partenariat avec la DG ECHO et des perspectives qu’ouvre cette reconnaissance.
Si 2022 reste, certes, porteuse d’incertitudes, elle sera aussi et surtout riche de grands projets humains marqués par l’utilité à la communauté et le profit pour le plus grand nombre.
Bonne lecture à tous !
Cyrille Baud
Associé - Expert-comptable - Commissaire aux comptes - Responsable du Pôle ESS
Malgré les avancées notables de la réforme de l’IAE, les objectifs de la Stratégie pauvreté de 2018 – la création de 240 000 postes à l’horizon de 2022 – ne seront probablement pas atteints.
Néanmoins, l’ambition de développer le secteur de l’insertion par l’activité économique fait l’objet d’un appui politique fort depuis l’élaboration du Pacte d’ambition pour l’IAE présenté le 10 septembre 2019[1] par le Haut-Commissaire à l'Inclusion et à l'engagement des entreprises, Thibaut Guilluy.
Qu’est-ce que l’IAE ?
Selon l’article L. 5132-1 du Code du travail, "l'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Elle met en œuvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement. L'insertion par l'activité économique, notamment par la création d'activités économiques, contribue également au développement des territoires."
L’IAE est réservée à un public spécifique, à savoir des personnes particulièrement éloignées de l’emploi (chômeur de longue durée, personnes bénéficiaires des minima sociaux, jeunes de moins de 26 ans, travailleurs handicapés etc.).
Ces personnes bénéficient d’un accompagnement spécifique par des professionnels (conseillers en insertion professionnel, psychologues).
Les structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) sont :
- Les entreprises d’insertion (EI)
- Les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI)
- Les associations intermédiaires (AI)
- Les ateliers et chantiers d’insertion (ACI)
Ces structures peuvent bénéficier d’aides financières grâce à un conventionnement avec l’Etat et, le cas échéant, les territoires concernés (département). Ces aides prennent la forme d’une « aide au poste ».
Par ses objectifs et par son organisation, l’IAE est donc un secteur à part entière de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Une ambition politique forte
Le Pacte est une feuille de route pour la mise en œuvre des 100 000 postes supplémentaires dans l’IAE, pour atteindre les objectifs de la Stratégie pauvreté, au travers de cinq mesures phares :
1. Accompagner chaque personne selon ses besoins
2. Innover et libérer le potentiel de création d’emplois
3. Rallier toutes les entreprises et tous les acteurs publics à la cause de l’inclusion
4. Agir ensemble sur tous les territoires
5. Simplifier, digitaliser et co-construire en confiance.
Depuis, la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » a été votée pour traduire dans la législation certaines mesures du Pacte et encourager les expérimentations.
Le budget consacré à l’IAE a été également en phase avec cet élan inclusif : il était d’environ 900 millions d’euros en 2019 ; il est désormais de plus de 1,2 milliard en 2021. C’est peut-être grâce à ces efforts que les effectifs dans l’IAE n’ont certes pas progressé en 2020, année marquée par la crise sanitaire, mais n’ont pas reculé non plus : en mars 2021, il y avait 145 136 salariés dans les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), soit le niveau d’avant crise, mais bien loin des 240 000 postes visés dans un an.
Publication tardive des textes
Un des objectifs principaux de la réforme est de simplifier un secteur souffrant d’une trop grande complexité. Ainsi l’article 1 de la loi de 2020, remet à plat la procédure d’agrément. Auparavant, seul Pôle emploi pouvait décider de l’éligibilité des personnes à l’IAE. Désormais, la liste des prescripteurs est élargie.
Cependant, le décret d’application n’est intervenu que le 30 août 2021[2]. Ce décret définit les règles de mise en œuvre d’éligibilité du parcours d’IAE. Il ouvre également la possibilité aux structures de l'IAE et aux prescripteurs habilités de conclure des conventions de coopération afin de favoriser les partenariats locaux.
Un autre décret du 30 août 2021[3] précise les modalités de conclusion du contrat à durée déterminée d’inclusion pour les personnes de plus de 57 ans et dont le parcours préalable en IAE ne permet pas d’envisager à ce stade une insertion durable au sein d’une entreprise « classique ».
Ce même décret pose le cadre d’une expérimentation visant à faciliter le recrutement par les entreprises « classiques » des personnes en fin de parcours d’insertion par la mise en place de contrats passerelles. A cet effet, l’EI ou l’ACI qui emploie un salarié en insertion depuis au moins quatre mois conclut une convention avec le préfet du département
Quant à la liste des prescripteurs autorisés à apprécier l’éligibilité des personnes à un parcours d’IAE, elle n’est parue qu’en septembre 2021[4].
Les clauses d’insertion, un accélérateur….
Un des leviers de création d’emplois au sein des EI et des ETTI, représentées par la Fédération des entreprises d’insertion, passe par la commande publique. Et ce domaine a fait l’objet de dispositions spécifiques dans la loi Climat et Résilience du 22 août dernier[5], en renforçant la dimension sociale des marchés publics (article 35 qui conditionne l’atteinte des objectifs de développement durable à la dimension économique, sociale et environnementale) et en préconisant l’utilisation des clauses sociales dans les marchés publics.
Les SIAE et la crise sanitaire
Les SIAE ont été ébranlées par la crise sanitaire ; certaines ont même cessé leur activité. En 2020, un Fonds de développement de l’inclusion (FDI) exceptionnel, doté de 320 millions d’euros, a été mis en place pour aider ces structures employeuses. Par ailleurs, le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion a décidé de forfaitiser le versement de l’aide au poste à 5 % pour toutes les SIAE pour l’exercice 2020, quelle que soit leur performance.
En conclusion, l’IAE constitue un enjeu social, sociétal et économique majeur de notre époque qui nécessite un engagement de toutes les parties prenantes : l’Etat, les collectivités territoriales, les associations et les employeurs pour qu’elle puisse porter ses fruits et que chacun puisse trouver sa place.
A noter, un lieu de formation dédié aux chefs d’entreprise existe afin de les aider à mettre en place des actions inclusives au sein de leur entreprise (Campus de l’inclusion).
Emmanuel VIDAL
Référent du secteur insertion
Sarah Bertail
Avocate - Oratio Avocats
[1]Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique
[2] Décret n°2021-1128 du 30 août 2021 relatif à l’insertion par l’activité économique
[3] Décret n°2021-1129 du 30 août 2021 relatif à l'insertion par l'activité économique et à l'expérimentation visant à faciliter le recrutement par les entreprises de droit commun de personnes en fin de parcours d'insertion
[4] Arrêté du 1er septembre 2021, annexe 1
[5] Loi n°2021-1104 du 22 août 2021
Quelles sont les activités du GRET ?
Le GRET est une ONG fondée en 1976 qui se donne pour mission d’améliorer les conditions de vie des populations et de promouvoir des sociétés plus équitables et plus solidaires. Les experts du GRET articulent leurs interventions autour des thématiques qui sont : l’agriculture, la citoyenneté et la démocratie, l’accès à l’eau potable et le traitement des déchets, la finance inclusive et l’insertion professionnelle, la gestion des ressources naturelles et de l’énergie, la nutrition et la protection sociale, et enfin les villes pour tous et la décentralisation. En 2020 le GRET a mené 141 interventions dans des projets de terrain et réalisé 72 missions d’expertises, en coopération avec plus de 250 partenaires locaux et internationaux dans 30 pays différents. 14 représentations permanentes font parties du périmètre du GRET, et certains projets ont une dimension régionale (Sahel, Asie du Sud Est)
Le GRET a également une importante activité de capitalisation, de publication d’ouvrages et de documents techniques, et de formation.
Pourquoi devenir partenaire FPA (Framework Partnership Agreement) DG Echo* ?
Le GRET intervient de plus en plus souvent dans des zones de tension, ou de conflit, telles que la zone des trois frontières au Sahel, ou dans des pays affectés par des évènements climatiques dévastateurs ou des catastrophes naturelles, tels que Haïti. Une partie de l’activité du GRET recouvre des actions de post urgence et de résilience. Le GRET n’a pas vocation à devenir une ONG urgentiste, mais, dans le cadre de son action d’aide au développement, l’accompagnement de populations en situation de précarité extrême dans des zones où les autres acteurs humanitaires ne sont pas présents fait partie de son mandat, et les financements proposés par la DG Echo permettent de développer ces actions, en complément d’autres financements.
Obtenir un agrément auprès de la DG Echo s’est donc imposé naturellement.
Comment le process renforce la gouvernance et l’organisation du GRET ?
Le process de certification a permis au GRET de se pencher de façon plus approfondie sur son mode de fonctionnement et a mobilisé les équipes opérationnelles et de direction. Il a été l’occasion d’identifier des domaines dans lesquels nos procédures étaient en décalage par rapport aux attentes des bailleurs. L’étude de 2 projets ayant un volet humanitaire, l’un en Haïti l’autre au Burkina, a fait émerger des pistes d’amélioration de nos pratiques, en croisant les expériences des équipes concernées du siège et du terrain.
Quels ont été les atouts de l’accompagnement Baker Tilly ?
L’accompagnement de Baker Tilly nous a permis d’aborder l’audit de certification en étant bien préparés. Les échanges en amont nous ont permis de nous organiser de façon adéquate, de savoir de façon précise ce qui était attendu et de mobiliser les équipes au siège et sur le terrain. Les échanges de restitution en fin d’audit sur les différents critères nous ont permis d’avoir un panorama complet de nos forces et de nos faiblesses et de prioriser nos actions pour renforcer les points faibles identifiés.
L’obtention de cette certification et l’accompagnement par Baker Tilly lors de ce processus ont été des temps forts pour le GRET par la prise de recul sur nos pratiques et notre fonctionnement. Cette démarche nous a également permis d’être mieux préparés pour les autres audits de systèmes mandatés par les bailleurs.
Le GRET travaille maintenant à identifier des projets qui pourront être soumis à la DG Echo en vue d’obtenir un financement.
*DG Echo : Direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne
C’est le nombre de bénévoles engagés dans les associations en France. Il n’existe pas de définition légale des bénévoles mais on s’accorde pour dire qu’il s’agit d’une personne engagée volontairement et gratuitement dans la vie d’une association, qui donne de son temps pour une association. Ces bénévoles sont des hommes et de femmes (stricte parité) jeunes et majoritairement diplômés (60%). Et ces acteurs sont indispensables à la vie de près de 90 % des associations : ils constituent « la colonne vertébrale [de ces] associations ». Ces chiffres invitent une fois encore à s’interroger sur le statut de bénévole. Il n’est pas certain que la loi du 1er juillet 2021 en faveur de l’engagement associatif ait apporté suffisamment de réponses sur le sujet.
Source : LA FRANCE ASSOCIATIVE EN MOUVEMENT, octobre 2021
la-france-associative-04-10-2021.pdf (associations.gouv.fr)