Jean-Yves Macé
Associé - Expert-comptable - Commissaire aux comptes - Référent ESMS
Ce règlement s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020 avec la possibilité d’une application anticipée à compter des exercices clos en 2019. Il constitue la nouvelle référence pour toutes les entités privées du secteur non lucratif.
C’est à présent le règlement ANC no 2018-061 qui régit les règles comptables des entités du secteur non marchand. Il aborde notamment le traitement comptable de postes spécifiques au secteur, définit le nouveau modèle des comptes annuels et enrichit l’annexe des entités, notamment pour celles faisant appel public à la générosité.
Afin de tenir comptes des spécificités des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), l’Autorité des normes comptables a publié le règlement no 2019-04 du 8 novembre 20192 – qui vient compléter le règlement ANC no 2018-063. Il s’applique aux activités sociales et médico-sociales gérées par les personnes morales de droit privé à but non lucratif.
Le règlement ANC no 2019-04 fait référence aux ESSMS mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF). Ainsi « Le présent règlement définit le traitement comptable des activités sociales et médico-sociales d’une personne morale de droit privé à but non lucratif dans ses comptes annuels.
Les activités sociales et médico-sociales consistent en la gestion d’établissements et services sociaux et médico-sociaux définis au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles et soumis aux prescriptions réglementaires du chapitre IV du titre 1er du livre III du même code »4. Ce règlement concerne également les établissements de santé gérés par une personne de droit privé à but non lucratif quand ceux-ci gèrent également des activités médico-sociales.
Le règlement s’applique aux comptes afférents aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020. La première application du présent règlement constitue un changement de méthode comptable.
Pour compléter le règlement ANC no 2018-06, le règlement ANC no 2019-04 tient compte des particularités des ESSMS. Ces particularités sont issues de dispositions du CASF. Pour les opérations non traitées dans le règlement no 2019-04, il convient de se reporter au règlement ANC no 2018-06 et au plan comptable général.
Ainsi, par exemple, les produits de la tarification attribués par les autorités de tarification constituent des concours publics et plus précisément des contributions financières reçues. Le règlement crée également une nomenclature de comptes spécifiques.
Les dettes pour congés à payer et autres droits des salariés, ainsi que les provisions pour indemnités de fin de carrière sont concernées.
En application de l’article R. 314-26 du CASF, les dotations aux provisions pour congés payés ne sont pas prises en compte dans le calcul de la tarification d’un établissement. Pour autant, les dettes pour congés payés et autres droits des salariés doivent être comptabilisés dans les comptes de l’entité gestionnaire en application des règles du plan comptable général (PCG). Cette divergence est traitée lors de l’affectation du résultat où l’entité gestionnaire affecte ladite somme dans le compte 11592 « Report à nouveau constitué des charges et produits des activités sociales et médico-sociales sous gestion contrôlée dont la prise en compte est différée ». À ce titre, lors de l’application du nouveau règlement, il conviendra de reclasser les sommes figurant antérieurement dans les comptes 114-2 au titre des congés payés, dans le compte 11592.
Pour le traitement des provisions pour IFC et droits assimilés, l’entité gestionnaire applique les règles du droit commun du PCG5. Le montant total de l’engagement doit être mentionné dans l’annexe. Le provisionnement n’est pas obligatoire mais est qualifié de méthode de référence. En cas de provisionnement, si le montant de la provision comptabilisée est rejeté par les autorités de tarification et de contrôle, l’entité gestionnaire affecte ladite somme dans le compte 11592 « Report à nouveau constitué des charges et produits des activités sociales et médico-sociales sous gestion contrôlée dont la prise en compte est différée ».
Les articles R. 314-52 et R. 314-236 du CASF permettent à l’autorité de tarification de rejeter du compte administratif d’un établissement des charges qui sont comptabilisées en tant que telles dans les comptes de l’entité gestionnaire. Ce rejet a pour conséquence d’augmenter le résultat des activités sociales et médico-sociales sous gestion contrôlée des établissements du montant des charges rejetées. Afin de tenir compte de ce rejet, les établissements affectent la somme rejetée dans le :
Une analyse de la comptabilisation des rejets antérieurs devra être produite au moment de l’application du nouveau règlement comptable pour procéder aux retraitements nécessaires.
Le CASF prévoit des dispositions comptables applicables aux gestionnaires d’établissements et services. Celles-ci ont été analysées et donnent lieu à un traitement spécifique prévu par le nouveau règlement.
Provisions réglementées pour couverture du besoin en fonds de roulement (BFR)6, provisions réglementées sur plus-values d’actifs réalisés7, provisions réglementées relatives aux produits financiers8 :
Pour rappel, ces provisions ont été introduites par un avis du Conseil national de la comptabilité9, avis pris à l’époque déjà pour traiter les distorsions entre le PCG et les dispositions introduites par le CASF.
Le nouveau règlement de l’ANC maintient le schéma comptable prévu antérieurement mais crée de nouveaux comptes comptables :
Provisions réglementées pour renouvellement d’immobilisations10 :
Ces provisions sont fondées sur le principe d’allocation anticipée d’aides destinées à la couverture des surcoûts d’exploitation générés par les nouveaux investissements. Elles sont versées sous forme de dotations budgétaires supplémentaires par les autorités de tarification et de contrôle. Elles étaient comptabilisées dans le compte 142 « Provisions réglementées relatives aux immobilisations ». Leur reprise suivait le même rythme d’amortissement que les actifs financés.
Ce traitement est modifié par le règlement no 2019-0411 qui remplace les provisions réglementées par le mécanisme des fonds dédiés dont le périmètre a été élargi aux financements d’investissements (hors subventions d’investissement qui ont un traitement spécifique12), à condition de respecter les dispositions de l’article 132-1 du règlement ANC no 2018-06, c’est-à-dire si l’autorité de tarification a expressément dédié ce financement à un projet défini.
Ainsi, l’entité gestionnaire doit comptabiliser dorénavant les contributions financières accordées par les autorités de tarification pour financer les investissements futurs dans le compte « 192 Fonds dédiés sur contributions financières des autorités de tarification aux entités gestionnaires d’ESSMS ». Les dotations et les reprises doivent également utiliser les comptes suivants :
À l’ouverture de l’exercice de la première application du règlement no 2019-04, il conviendra d’analyser et d’opérer un reclassement du solde du compte de provision réglementée pour renouvellement des immobilisations de l’exercice précédent dans le compte de fonds dédiés ad hoc, si les conditions de constitution sont satisfaites, ou en report à nouveau, dans le cas contraire.
Amortissement dérogatoire13 :
Lorsque la durée d’amortissement admise par l’autorité de tarification pour établir le compte administratif d’un établissement est plus courte que la durée prévisionnelle d’utilisation des biens retenue dans les comptes de l’entité gestionnaire, celle-ci comptabilise un amortissement dérogatoire. Le traitement des amortissements dérogatoires est confirmé dans le nouveau règlement14.
Subventions d’investissement :
Le traitement comptable des subventions d’investissement était différent selon que le renouvellement des immobilisations était nécessaire à la poursuite de l’activité de l’entité et le coût du renouvellement des immobilisations financées était ou non supporté par l’entité15 :
Le Règlement ANC no 2019-04 ne prévoit pas de dispositions particulières pour les subventions d’investissement reçues des autorités administratives par les ESSMS. Par conséquent, seules les dispositions du PCG16 sont applicables aux gestionnaires ESSMS.
Ainsi, une subvention d’investissement peut être comptabilisée soit en produits, soit en subvention d’investissement en compte 13. Dans ce second cas, conformément à l’article 312-1 du PCG, cette subvention sera reprise en résultat au rythme des amortissements pratiqués sur les investissements qu’elle finance.
Lors de l’application des nouveaux règlements ANC nos 2018-06 et 2019-04, il conviendra d’analyser les impacts du retraitement des subventions d’investissement antérieurement comptabilisées dans les comptes 1026 et 1036. En effet, le nouveau règlement constitue un changement de méthode comptable. Les comptes doivent être retraités selon la méthode rétrospective et les impacts enregistrés dans le compte de report à nouveau.
Fonds dédiés :
La partie des ressources dédiées par des tiers financeurs à des projets définis qui, à la clôture de l’exercice, n’a pu être utilisée conformément à l’engagement pris à leur égard est comptabilisée au compte de passif « Fonds dédiés » avec pour contrepartie une charge comptabilisée dans le compte « Reports en fonds dédiés »17. Les ressources éligibles à la constitution de fonds dédiés, si elles ne sont pas utilisées en fin d’exercice, sont limitativement énumérées par le règlement ANC no 2018-06. Les concours publics ne font pas partie de ces ressources.
Dans le cadre des ESSMS, une disposition spécifique est prévue à l’article 132-1 du règlement ANC no 2019-04. Ainsi les fonds dédiés ne peuvent être comptabilisés uniquement pour les montants provenant des contributions accordées par l’autorité de tarification et qui n’ont pu être utilisés en totalité à la clôture d’un exercice dans deux cas :
Il est nécessaire dans ces deux cas de respecter les dispositions de l’article 132-1 du règlement ANC no 2018-06, c’est-à-dire si l’autorité de tarification a expressément dédié ce financement à un projet défini.
Il faut noter que le résultat d’un établissement sous contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) ne constitue pas un fonds dédié dans la mesure où il n’est pas dédié par l’autorité de tarification à un projet défini distinct de l’objet de l’entité.
Le règlement no 2019-04 n’introduit pas de modèle des états financiers spécifiques aux gestionnaires d’ESSMS. Ceux-ci doivent appliquer les états financiers définis dans la réglementation qui leur est applicable. Ainsi, une association gestionnaire utilisera les modèles d’états financiers décrits dans le règlement ANC no 2018-06.
Il convient cependant de noter que des présentations spécifiques sont prévues. Ainsi, le résultat, le report à nouveau et les réserves des activités sociales et médico-sociales sont présentés séparément au passif du bilan de l’entité gestionnaire sur une ligne spécifique.
Dans son compte de résultat, l’entité gestionnaire fait apparaître distinctement la part de l’activité sociale et médico-sociale des postes suivants par une subdivision spécifique :
Les dispositions du règlement relatives au contenu de l’annexe complètent les dispositions portant sur les informations à mentionner dans l’annexe des comptes que l’entité gestionnaire établit conformément au règlement comptable de l’ANC qui s’applique à elle en fonction de sa nature juridique.
Le règlement ANC no 2019-04 introduit :
Les changements introduits par le nouveau règlement comptable ANC no 2019-04 applicable aux ESSMS doivent être analysés par les organismes gestionnaires de tels établissements et services afin d’identifier les impacts pour leur structure.
Les changements de méthode comptable devront être documentés et figurer dans le cadre d’une mention spécifique dans l’annexe des comptes. Cette analyse doit être menée pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020.
Pour cela, il est nécessaire de former ses équipes, mesurer les impacts et expliquer les changements effectués dans les comptes, notamment, aux autorités de tarification et de contrôle.
Les experts-comptables et les commissaires aux comptes des entités sont également des interlocuteurs privilégiés dans l’application et la mise en œuvre des deux nouveaux règlements applicables en 2020 pour les associations, fondations et autres entités visées.
Source : Contenu issu de Juris associations
Contributeurs
1. Règl. ANC no 2018-06 du 5 déc. 2018, homologué par arr. du 26 déc. 2018, JO du 30, texte no 51 ; dossier « Réforme comptable – Le compte est bon ! », JA 2019, no 602, p. 16.
2. Règl. ANC no 2019-04 du 8 nov. 2019, homologué par arr. du 26 déc. 2019, JO du 29, texte no 38 ; JA 2020, no 611, p. 6.
3. Règl. ANC no 2018-06 du 5 déc. 2018, homologué par arr. du 26 déc. 2018, JO du 30, texte no 51 ; dossier « Réforme comptable – Le compte est bon ! », JA 2019, no 602, p. 16.
4. Règl. ANC no 2019-04, préc., art. 111-1.
5. Règl. ANC no 2014-03, art. 324-1.
6. CASF, art. R. 314-48.
7. CASF, art. R. R314-81.
8. CASF, art. R. 314-95.
9. Avis CNC no 2007-05 du 4 mai 2007.
10. CASF, art. D. 314-206.
11. Règl. ANC no 2019-04, préc., art. 132-1.
12. R. Jardot, S. Tramoy, JA 2019, no 602, p. 21
13. CASF, art. D. 314-206.
14. Règl. ANC no 2019-04, préc., art. 121-1.
15. Règl. CRC no 1999-01 du 16 févr. 1999.
16. Règl. ANC no 2014-03, préc.
17. Règl. ANC no 2018-06, préc., art. 132-1.
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